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Samedi 11 Décembre 2010:
Les dirigeants face à la justice Justice. Après leur placement en garde à vue jeudi matin, trois des dirigeants de l'entreprise de recyclage de déchets Citron ont été présentés au parquet du Havre hier. Placés en garde à vue jeudi, trois dirigeants de Citron, entreprise spécialisée dans le traitement des déchets à métaux lourds, ont été déférés au parquet du Havre hier. Michaël Brüggler, PDG de 43 ans, Jean Piquet, directeur financier, 58 ans, et Benoît Baudoin, directeur d'exploitation, 42 ans, se trouvaient toujours au palais de justice à 22 h 30. Et l'on ignorait alors quel allait être leur sort judiciaire. Pouvaient leur être reprochés des manquements à des règles de sécurité ou environnementales, notamment dans le contexte d'un incendie sur le site de Rogerville, le 16 octobre. Voire une « mise en danger » des salariés. La société est depuis longtemps dans le collimateur de l'État, de la justice et d'associations écologistes dans ces domaines. Après l'incendie qui avait ravagé un hangar renfermant des centaines de tonnes de déchets, la nuit du 16 au 17 octobre dernier, une nouvelle enquête avait débuté, chez les gendarmes. Des témoignages internes à l'entreprise ou de sources proches du dossier évoquaient des éléments suspects. Trois salariés étaient au travail lorsque le feu a pris. Deux d'entre eux auraient tenté de lutter contre les flammes. En vain car les « motopompes de l'entreprise étaient en panne au début de l'incendie », expliquait dans les heures suivantes une source administrative.« Une motopompe était remplie de déchets », précisait avant-hier un salarié. Outre ce matériel, les conditions de stockage et la nature de certains déchets ont pu intéresser les enquêteurs. Démarré dans l'une des nombreuses cellules de stockage qui composent le bâtiment de 7000 m2, le feu s'est propagé sur la toiture et dans au moins sept cellules. Mais aussi à l'extérieur, vers des aérosols en dépôt. Le bâtiment renfermait des déchets dits organiques (peinture, produits chimiques...). « On savait qu'il y avait des risques d'incendie. Certains produits n'auraient pas dû être mélangés. Ça débordait au-delà des murs coupe-feu, les déchets de certaines cellules touchaient ceux de l'alvéole voisine. Ce n'aurait pas dû être le cas », pestait un salarié. Une réaction chimique a-t-elle eu lieu ? Les pompiers ont été mobilisés durant 64 heures. Des prélèvements ont été effectués dans le sol l'air et le bassin portuaire voisin. La remise en marche de l'usine a été interdite par arrêté préfectoral, dès le dimanche. Un arrêté valable « tant que les conditions de sécurité ne seront pas réunies », expliquait un fonctionnaire. La veille de l'incendie, « deux salariés ont été hospitalisés après des émanations toxiques à un autre endroit du site », expliquait Michel Walosik, responsable de l'Union locale CFE-CGC, seul syndicat de l'entreprise. Au cours d'auditions dans l'enquête sur l'incendie, près de la moitié de salariés interrogés aurait porté plainte pour « mise en danger de la vie d'autrui ». Tous n'ont pas encore été entendus. « Quand je serai, moi aussi je porterai plainte », indiquait un salarié hier au tribunal de commerce, où a été annoncée la liquidation de l'entreprise. « Il y a cinq ans, mon taux de plomb était de 390 microgrammes par litre de sang, alors que le seuil critique est de 200 microgrammes par litre. » « La direction voulait passer un maximum de produits pour toucher de l'argent, quitte à nous mettre en danger. Certains déchets entraient sous une fausse appellation », affirme un salarié. A. R. ETT. D. La liquidation judiciaire prononcée Le tribunal de commerce du Havre a finalement confirmé la liquidation judiciaire de l'entreprise hier en fin d'après-midi. Un délibéré sans surprise pour les salariés, celui-ci correspondant à la demande du mandataire judiciaire lors de l'audience qui s'est tenue le matin même. « Le procureur de la République a transmis un rapport de la gendarmerie qui prouve des manquements graves à la législation », raconte Thierry Coesme, délégué syndical CFE-CGC. « L'avocat de la direction lui-même n'a pu qu'acquiescer. » Si plusieurs dizaines de salariés avaient fait le déplacement au tribunal de commerce, l'élu du personnel a tenu à informer l'ensemble de ses collègues réunis dans le réfectoire de l'entreprise, hier midi. Car malgré la suspension de la production prononcée depuis l'incendie des 16 et 17 octobre (lire ci-dessus), les employés ont continué à venir travailler sur le site. Du moins à y faire acte de présence. « Depuis un mois, il n'y a rien à faire », se désolait encore un salarié dans le hall du tribunal de commerce. « C'est la troisième fois qu'on vient ici. On est usé. » « Aucun repreneur officiel » Jumelée à la mise en examen des dirigeants de l'entreprise, auxquels beaucoup reprochent des faits de harcèlement moral, la liquidation judiciaire met fin à une douloureuse période pour les 120 employés de l'entreprise. Difficile pour autant de parler de soulagement. « Je sais qu'on est en période de Noël, mais je ne crois pas beaucoup aux miracles, lâche Thierry Coesme. En l'occurence, le miracle prendrait la forme d'un repreneur acceptant de garder l'ensemble des salariés. « À l'heure actuelle, aucun candidat ne s'est fait connaître officiellement », indique le délégué CFE-CGC. Deux principaux repreneurs auraient néanmoins manifesté leur intérêt : Veolia, mais surtout Sita, une filiale du groupe Suez spécialisée dans la gestion globale des déchets. Thomas Dubois (source le havre libre)
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