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Dimanche 14 Mars 2010:
Retraites : grosses mystifications pour petit choc démographique En milliards c'est impressionnant ! Mais en proportion des richesses créées le surcoût nécessaire pour payer les futures retraites est inférieur aux exonérations accordées aux entreprises depuis un quart de siècle. La question des retraites n'est « ni de droite ni de gauche », expliquait encore récemment François Fillon ( « Nice Matin » du 12 février), « mais implacablement démographique ». Et celui-ci d'ajouter : « Si nous ne faisons rien, il nous manquera 100 milliards par an à l'horizon 2050. » De quel chapeau sort ce chiffre ? On ne sait pas. Le Conseil d'orientation des retraites parle d'un besoin de 68,8 milliards par an en 2050. La catastrophe annoncée nous est pourtant martelée en boucle. Exemple dans « le Figaro » (15 février) : « le nombre de cotisants par retraité passera, sans nouvelle mesure corrective, de 1,45 aujourd'hui à un peu plus de 1, seulement, à l'horizon 2050. Résultat : les régimes de retraite (de base et complémentaire), déjà en déséquilibre (plus de 10 milliards de trou pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse, CNAV, en 2010), enregistreront des déficits abyssaux qui devraient atteindre entre 70 et 100 milliards d'euros à l'horizon 2040-2050. » À cause du vieillissement de la population, il faudrait donc travailler plus vieux pour éviter l'implosion financière des retraites par répartition. Et le mal étant commun, le remède devrait s'étendre à toute l'Europe. C'est ce que nous explique le président de la Commission , Manuel Barroso (le 23 février) : « De fait, il a un problème et il faut faire des réformes des systèmes de retraite en général. » Objectif : faire trimer tout le monde jusqu'à 67 ans, sous peine de devoir se contenter de pensions de misère. C'est déjà inscrit dans les textes en Allemagne, en Grande-Bretagne, (68 ans), aux Pays-Bas, au Danemark. Et dans les tuyaux en Espagne ou au Portugal. Les dirigeants européens lisent-ils les études commandées par la Commission ? Un rapport récent (*) regroupe les conclusions d'un groupe de travail international à propos de l'impact du vieillissement de la population sur les finances publiques de chacun des 27 pays de l'Union européenne à l'horizon 2060. Soit le surcoût pour les pensions de retraite et pour les dépenses de santé, le coût de la dépendance des personnes très âgées de plus en plus nombreuses, mais aussi les conséquences sur le chômage ou les dépenses d'éducation. Les résultats, loin d'être uniformes d'un pays à l'autre, ne serait-ce que du fait de taux de fertilité très différents (la France frôle les 2 enfants par femme pendant toute la période 2008 à 2060, en tête de peloton, quand les reste de l'UE passe poussivement de 1,54 à 1,64), suggèrent qu'il n'y a pas de problème « général » à résoudre par des recettes standard, mais plutôt des adaptations sur mesure à trouver pour conforter les retraites solidaires. D'autre part, plutôt qu'en milliards dont on ne saisit plus bien le sens, les résultats sont énoncés en points de PIB, ce qui permet de mesurer l'effort en fonction des richesses créées dans le futur, et qui dépendent non pas du nombre d'actifs mais de leur productivité. Pour la France,le surcoût, tout compris, du vieillissement pour les dépenses publiques (sans envisager aucune baisse des dépenses d'éducation) se chiffrerait à 2,7 points de PIB entre 2007 et 2020, et se stabiliserait ensuite jusqu'à 2060. Rien à voir avec celui que devront résoudre la Grèce (+ 16 points de PIB d'ici à 2060) ou le Luxembourg (+ 18 points de PIB d'ici à 2060). Il suffit en fait d'un léger transfert de richesses pour surmonter sans encombre le fameux « choc » démographique tant dramatisé. Selon l'INSEE, la part des cotisations sociales dites patronales est passée de 19,8 % de la valeur ajoutée des entreprises non financières en 1982 à 16,1 % en 2007, soit une baisse de 3,8 points en un quart de siècle. Les dividendes des actionnaires en ont bien profité. Mais on attend toujours les investissements et les emplois promis en retour. Et si on récupérait la monnaie pour payer les retraites ? Dominique Sicot (*) « Ageing Report, Economic and Budgetary Projections for the EU 27 membres State (2008-2060) ». (source l'Humanité dimanche)
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