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Dimanche 6 Juin 2010:

 

La CFDT ne veut pas se faire encore « couillonner »

François Chérèque n'y va pas par quatre chemins : « Pas question de se faire couillonner une deuxième fois. » Pas de doute : les retraites seront bien le grand enjeu du congrès de la CFDT, à Tours, du 7 au 11 juin. 7 ans après la réforme Fillon validée par ce syndicat en échange de promesses vite oubliées, ses militants s'interrogent sur la position à défendre et se font l'écho des inquiétudes de salariés. Pour juger de leur état d'esprit, l'«HD » a assisté à un débat préparatoire au congrès.

Ce devait être un débat tranquille. « Vous savez, ici, c'est le secteur privé, les gens sont peu concernés. Les réformes de 1993 et 2003 sont déjà passées par là », prévient gentiment une dirigeante. Ici, c'est la fédération des services, réunie à Reims se 6 mai pour une réunion nationale durant laquelle Marcel Grignard, secrétaire national adjoint, intervenait pour préparer le congrès confédéral. La fédération des services revendique presque 80 000 adhérents. Ici, on est représentant des salariés du commerce, de l'assurance, des services à la personne ou de l'intérim. Comme promis, l'assistance ne fut pas rebelle. Mais pas silencieuse non plus. « J'entends bien qu'il faut réformer le système (des retraites – NDLR), intervient Christophe Thomas, délégué venu des Vosges. Mais, en 2003, on parlait beaucoup de la pénibilité et ce dossier a été oublié ! »

À la tribune, Marcel Grignard en avait fait le constat dès son introduction : « La CFDT est en échec sur ce dossier. » Il y a 7 ans, alors que de nouvelles manifestations unitaires étaient convoquées contre le projet de réforme du ministre François Fillon, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, sortait de Matignon avec un engagement de prise en compte des carrières longues et d'une négociation sur la pénibilité. En échange, il offrait la signature de sa confédération sur le principe d'allongement de la durée de cotisation. L'épisode lui a valu le départ de nombreux militants mais il en a fait son affaire. Le congrès réuni à Grenoble, en 2006, lui a permis de resserrer les rangs et de passer l'éponge. « Pas question de se faire couillonner une deuxième fois », dit aujourd'hui François Chérèque devant les militants réunis dans une réunion similaire, à Toulouse (1).

Il faut dire que, depuis 2003, le MEDEF a tout fait pour saboter les négociations sur la prise en compte de la pénibilité et que le nombre de salariés ayant bénéficié du dispositif « carrière longue » est passée de 122 000 en 2008 à 25 000 l'année suivante. « Mais c'est quoi la pénibilité ? demande Josiane, déléguée du Bas-Rhin. Chaque activité a sa part de pénibilité. » « Non, tranche Marcel Grignard, il n'y a pas 80 % de salariés qui ont un boulot pénible. » À la pause déjeuner, les représentants de magasins Match égrènent pourtant leurs cas : « Les gens ne se forment pas et restent aux mêmes postes. Résultat : à 45 ans, un magasinier est physiquement

foutu », dit Laurent. Pour ceux-là n'ont plus, pas question de se faire « couillonner » !

D'autant que Françoise, déléguée des Galeries Lafayette, l'avait dit un peu plus tôt au micro : « Nous sommes dans des groupes qui s'exonèrent du financement de la protection sociale. Aux galeries, ce sont 3 millions d'euros par an qui partent en exonérations. Quelle est la position de la CFDT ? » Marcel Grignard répondra, calmement mais fermement : « Les exonérations, il y a de tout dedans, y compris des sommes qui sont compensées par l'État et qui ne sont donc pas un manque à gagner pour la protection sociale. » Et comme à chaque réponse, il tentera de faire partager la vision confédérale « d'une CFDT qui ne pratique pas le syndicalisme de slogan mais le syndicalisme du réel et de l'efficacité sociale ». Comme François Chérèque depuis quelques semaines, il insistera sur la « bonne santé » d'un syndicat qui prend le temps de construire ses positions en plein débat sur la réforme des retraites.

Avant le congrès et avant même que le gouvernement n'engage ses « consultations », plus de 1700 amendements ont été déposés au projet de résolution qui sera discuté à Tours. Plus de 500 portaient sur les retraites. « Il n'y a pas de face cachée au projet de résolution », répond Marcel Grignard à un délégué lui demandant s'il ne faudrait pas « aller vers la mise en cause du système par répartition ». Ce système, le texte propose de le « reconstruire ». Et les amendements ont déjà permis de réintégrer la référence aux 60 ans comme âge où il devient « possible de liquider sa retraite ». Reste pour les congressistes de Tours à définir sous quelles conditions la CFDT acceptera un allongement de la durée de cotisation. « À condition d'un partage des gains d'espérance de vie et d'une possibilité de choix renforcée », stipule le texte qui leur est proposé. « Ce qui est sûr, dit Brigitte, agent d'entretien dans les hôtels de la Sarthe et débutante à la CFDT, c'est que mes collègues ne pourront pas travailler, comme le veut le gouvernement, jusqu'à 65 ans. On a de telles cadences infernales qu'elles ne l'accepteront jamais ! » Voilà qui est plus concret...

Vincent Bordas

Ce que dit la CFDT

[Extraits du texte de résolution proposé au vote du 47e Congrès]

Durée de cotisation

« L'augmentation de la durée de cotisation n'est acceptable pour la CFDT qu'à la condition d'un partage des gains d'espérance de vie et d'une possibilité de choix renforcée. Les gains d'espérance de vie doivent faire l'objet d'un partage équilibré entre durée de cotisation supplémentaire ouvrant le droit à une retraite à taux plein et temps de retraite supplémentaire. »

60 ans

« La CFDT revendique : [...] Le choix du moment du départ à la retraite sans décote, et à taux plein, dès lors que le nombre de trimestres requis est atteint, sans condition d'âge. La possibilité de liquider sa retraite à 60 ans doit être maintenue. »

(source L'Humanité-Dimanche)

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