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Dimanche 5 Septembre 2010:

Éditorial

Bonne rentrée

Par Maurice Ulrich

Une bonne photo vaut parfois mieux qu'un long discours. Ainsi dans la presse, celle de Christine Lagarde arrivant à l'université d'été du Medef, ouvrant ses bras, ravie, à Laurence Parisot. Le même monde, n'est ce pas, les mêmes intérêts et, pourquoi ne pas le dire, cette même solidarité de classe : le patronat, et, comme le disait Marx, son gouvernement : « Le Conseil d'administration de la grande bourgeoisie. » Des clichés ? Le recyclage d'idées dépassées datant du XIXe siècle ? Allons donc. Que disent les documents du Medef que nous publions ci-contre ? L'idéologie, le projet politique, comme le diable, se nichent dans les détails, la nuance, la petite phrase, mais il n'est pas nécessaire d'être docteur en sémantique pour comprendre. Ainsi sur les retraites, où

« il faut rester dans le vrai mais avec subtilité pour pouvoir se faire comprendre et faire admettre ses idées ». Car, comme il est dit plus loin : « Si l'on arrivait à d'énormes manifestations, il est certain que le pouvoir calerait. » Faut-il en dire plus pour souligner la portée de la journée d'action de mardi ? Oui, le patronat comme le gouvernement le savent. Ils peuvent être contraints au recul. La France du travail peut donc en être persuadée. Rien n'est joué. Les cartes peuvent être remises sur la table.

De ce point de vue, les péripéties de l'affaire Woerth-Bettencourt pourraient n'être qu'anecdotiques, en tout cas secondaire. Mais ce n'est plus vraiment le cas, comme l'ont dit, ensemble, ce qui n'est pas si fréquent, François Chérèque et Bernard Thibault. Que pèse désormais la parole d'un ministre du Travail qui a, c'est le moins qu'on puisse dire, la tête ailleurs sinon sous l'eau ? Plus profondément, si l'on peut s'attendre à d'innombrables déclinaisons de l'affaire dans les cortèges de mardi, ce n'est pas par goût du sang et de la chasse à l'homme, comme la droite voudrait le faire croire. Non, c'est parce que la France du travail, la France qui se lève tôt, travaille plus et gagne moins, entrevoit clairement, dans tout ce qui émerge, l'énorme part immergée des liens qui unissent la droite au pouvoir et le monde des affaires. Nicolas Sarkozy avait cru possible, au lendemain de son élection, au Fouquet's comme sur le yacht de son « ami » milliardaire Vincent Bolloré, une rupture idéologique majeure avec la pensée française héritée des Lumières et de la Révolution. C'était un boomerang.

C'est pourtant en toute conscience que le chef de l'État, avec ses ministres de combat, a tenté une opération de diversion d'un cynisme rarement égalé depuis des décennies. Non seulement en montant de plusieurs tons encore dans une surenchère sécuritaire qui n'a jusqu'alors apporté aucun résultat, mais en désignant comme présumés coupables les étrangers sur notre sol, les immigrés. Enfin en déclenchant une campagne ignominieuse contre les 15000 malheureux, coupables en France d'être des Roms. Comme aux temps les plus sombres des consciences, il a voulu jouer avec la bête immonde. Aujourd'hui, [NDLR : samedi] dans plus de 130 villes, la France doit lui répondre, la France va lui répondre.

Le pouvoir est affaibli. C'est pourquoi il recourt aux expédients du déshonneur. Mais l'heure n'est pas non plus aux désillusions. La politique de la droite et du patronat ne sera pas remplacée par miracle par une autre, comme on retournerait un pot de fleurs pour qu'elles s'épanouissent. Il faut construire à gauche, travailler, rassembler. Ce sera l'enjeu le plus profond cette année de la Fête de l'Humanité. Quatre, sept et dix septembre ! Bonne rentrée.

(source l'Humanité)

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