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Jeudi 13 Mai 2010:
La bande du Fouquet's jackpot ! Ils ont fait main basse sur la France « Je ne vous trahirai pas, je ne vous décevrai pas », lançait il y a 3 ans le tout juste élu Nicolas Sarkozy devant la foule réunie place de la Concorde. Il venait de quitter ses invités du Fouquet's : des capitaines d'industrie, des stars du show-biz, des faiseurs d'opinion et autres milliardaires. Et c'est bien eux qu'il promettait de ne pas trahir. Plus généralement, du bouclier fiscal à la casse des protections sociales, c'est bien vers les seuls puissants, ces quelques milliers que ceux du Fouquet's représentaient ce soir-là, qu'est tournée depuis 3 ans la politique de Sarkozy. Démonstration. Il est environ 23 heures, place de la Concorde à Paris. Nicolas Sarkozy monte sur la grande scène installée pour l'occasion et se dresse fièrement devant la foule de militants et de supporters venus réclamer leur nouveau président. Accompagné de sa femme Cécilia, entouré de Michèle Alliot-Marie et de Christian Estrosi, il lâche dans le micro ses premiers mots, qu'il voudrait apaisés et rassembleurs : « Je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas. » Mais à qui s'adresse-t-il ? Aux électeurs qui viennent de réaliser « son » rêve en le plébiscitant massivement à la magistrature suprême ? Ou à la petite grappe de privilégiés qu'il vient de quitter au restaurant le Fouquet's, enseigne prestigieuse et onéreuse située sur les Champs-Élysées ? Au fil de ces trois ans d'un règne solitaire et autoritaire, le monarque a déçu (les ingénues) et beaucoup menti. Les sondages se suivent et se ressemblent, et la baisse de popularité et de confiance que récolte Nicolas Sarkozy est là pour en témoigner. Mais cette « bande du Fouquet's », malgré les quelques disgrâces inhérentes à la vie de cour, l'a-t-il un jour trahie ? « En une nuit, un lieu, une affiche, s'est écrite la scène primitive du sarkozysme », ont justement résumé deux journalistes dans un petit ouvrage (1) consacré à cette fête à la fois si obscène et si éclairante sur la manière dont le président de la République entendait « régner son affaire ». Non pas la petite cinquantaine d'invités triés sur le volet aient vu de manière systématique leur carrière ou leurs projets décoller grâce à leur copain Nicolas, même si celui-ci sait toujours se rendre disponible pour filer un coup de main. Mais c'est précisément le portefeuille déjà bien garni de ces « happy few » que la loi Tepa, dite « paquet fiscal » visait à soulager. Qui peut croire une seconde, même si Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à prétendre le contraire, l'allégement des droits de succession, l'aménagement de l'impôt sur la fortune ou encore l'abaissement à 50 % du bouclier fiscal s'adressaient aux classes populaires ? Les chiffres sont pourtant accablants : 99 % des foyers concernés par le dispositif sont redevables de l'impôt sur la fortune. Certains, à l'instar de Johnny Hallyday, n'avaient pas hésité à en faire un instrument de chantage, histoire de monnayer un précieux soutien : « J'en ai marre de payer et c'est tout. 70 % de ce que je gagne va à l'impôt », avait-il gémi depuis sa résidence fiscale en Suisse, qu'il n'a d'ailleurs jamais quittée depuis... s'il fallait être riche pour entrer au Fouquet's, le seul critère de réussite aux yeux du président de la République, aucun d'entre eux n'a eu vraiment à se plaindre jusqu'à maintenant. Ni les présents ni d'ailleurs les absents : héritiers de dynasties industrielles (Martin Bouygues), ex-grand commis de l'État bénéficiaires des privatisations (Henri Proglio), milliardaires étrangers ayant investi dans les entreprises du Cac 40 (le Belge Albert Frère, le Canadien Paul Démarais), « capitaines d'industries » (Vincent Bolloré, Bernard Arnault), leader d'opinion (le sondeur Pierre Giacometti, l'ex-directeur du « Figaro » Nicolas beytout, l'essayiste Alain Baverez), gestionnaires de casinos (Dominique Desseigne), producteurs de trash TV (Arthur, Stéphane Courbit), acteurs « bankable » (Jean Reno, Christian clavier), ex-sportifs en quête d'un éventuel reclassement (Basile Boli, Pascal gentil) : tous s'épanouissent dans cette France libérale et « décomplexée » que Nicolas Sarkozy incarne jusqu'à la caricature. Mais le chef de l'État, à l'instar de ses invités du Fouquet's, n'en est qu'une des figures : depuis le retour de la droite aux affaires, comme vient de le relever une étude de l'INSEE, la France a enregistré « une explosion du nombre de personnes riches et de leurs revenus entre 2004 et 2007 ». La crise est passée sur eux sans dommage. « Alors qu'elles ne représente que 1 % de la population, souligne encore l'étude, les personnes à très hauts revenus perçoivent 5,5 % des revenus d'activité, 32 % des revenus du patrimoine et 48 % des revenus exceptionnels déclarés. » Cette ridicule frange de la population française, 0,01 % des ménages, soit 5800 personnes, a porté Nicolas Sarkozy à la magistrature suprême pour continuer à défendre ses intérêts objectifs, et le président de la République, au prix de mensonges permanents entraînant une folle fuite en avant, fait le job à plein-temps. Marc de Miramon
(source L'Humanité-Dimanche du jeudi 6 mai 2010)
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