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Mardi 28 Septembre 2010:
Précarité Avoir vingt ans dans la misère « Jamais autant de jeunes ne sont venus pousser la porte du Secours populaire français (SPF) pour se vêtir, se nourrir, et parfois même pour se loger. » Cet âpre constat est dressé par Julien Lauprête, président de l'association de solidarité, qui, dans un numéro spécial de son magazine Convergence intitulé « Alerte pauvreté : jeunes, espoirs précaires », donne la parole à une génération sacrifiée. Déjà précaire dans son accès au logement et à l'emploi, le pouvoir sarkozyste veut faire d'elle une victime de la réforme des retraites, lui ôtant tout espoir d'avoir un jour une vie digne. On ne s'étonnera pas de la conclusion désastreuse de l'enquête du Secours populaire : 70 % des jeunes estiment que la société ne leur offre pas une place suffisante et un sur deux (50 %) doute que les études garantissent une insertion plus facile dans le monde du travail. Derrière le raz-de-marée de la misère, les colères, mais aussi les solidarités montent. En témoignent Mauricio, Olivia, Sarah, Simon et Thomas, les jeunes précaires que nous avons interrogés. Lionel Decottignies et Grégory Marin « Je gagne 650 euros par mois, insuffisant pour trouver un logement » Thomas Caron, vingt-cinq ans, Lomme (Nord). « L'an dernier, j'ai passé et raté un concours de moniteur éducateur après un parcours scolaire chaotique. Durant cinq ans, j'ai multiplié les petits boulots, brocante, rénovation, plonge... souvent au black, d'ailleurs. Toujours le même schéma : "Pas assez d'expérience", "Ne rentre pas dans les critères". Depuis le début de l'année, je suis aide-éducateur dans un foyer, en contrat d'aide à l'emploi. Je gagne 650 euros pour vingt heures par semaine. Insuffisant pour trouver un logement ou subvenir à mes besoins quotidiens. Je ne peux plus aider mes parents à boucler les fins de mois difficiles pour eux aussi. » « Je ne passerai pas le permis et je vis de la charité de ma mère » Simon Poudroux, vingt et un ans, Avion (Pas-de-Calais). « Après une première année à la fac, j'ai souhaité me réorienter vers un BTS en alternance. J'avais trouvé l'école mais, hélas, pas d'entreprise. Je suis donc, depuis début août, en recherche d'emploi et sans indemnités. Je cherche un peu dans tous les domaines : bars, fast-foods, surveillant en lycée... Sans succès. Je multiplie les candidatures mais je n'obtiens jamais de réponse. Faute d'argent, j'ai dû arrêter mon inscription au permis. Je tourne en rond car il faut le permis pour trouver un travail, mais sans boulot, comment le payer ? À Pôle emploi, il y a un tel sous-effectif que pour obtenir un conseiller, faut être inscrit depuis trois mois. Je vis donc de la charité de ma mère et de son petit salaire de 1 100 euros. » « J'ai vite compris qu'il serait difficile d'étudier et d'aider mes parents » Mauricio Cortès, vingt-quatre ans, Paris. « Je suis venu en France, il y a trois ans, au départ pour étudier car, au Chili, les pauvres ne peuvent pas faire d'études. Mes parents ont économisé afin de me payer le voyage. Rapidement, j'ai compris qu'il serait difficile d'étudier, de les aider en retour. Même si je suis en règle au niveau des papiers, cela reste difficile de trouver un emploi. Ma petite amie travaille à McDonald's, à mi-temps. Pour ma part, je travaille sur des chantiers. Ce n'est pas toujours légal et souvent mal payé mais c'est du boulot et je ne peux pas faire autrement. Heureusement, à Paris, il y a une forte communauté sud-américaine, alors on s'entraide. » « Cette année, je cumule trois boulots, je suis un peu désabusée...» Sarah Belhadi, vingt-deux ans, Paris. « Je sort d'une période relativement difficile. Je commence ma troisième année en lettres appliquées. Mes parents ne pouvant m'aider financièrement, je suis contrainte de travailler en plus de mes études. L'an passé, j'étais boursière mais ce ne sera pas le cas cette année, donc je cumule trois boulots. Ça me laisse moins de temps pour étudier, ça me fatigue, mais je ne peux pas faire autrement. J'ai commencé des études de lettres car j'aimerais être journaliste. Mais je suis un peu désabusée. Mon avenir étant incertain, j'essaie de réfléchir à court terme. J'agis au jour le jour. » « Seule avec mon fils de sept ans, j'ai mis mes ambitions de côté » Olivia Régnier, vingt-neuf ans, Lille (Nord). « Je vis seule avec mon fils de sept ans. Je travaille à temps complet en additionnant deux contrats à temps partiel. J'arrive à m'en sortir, je paye les factures mais je m'accorde très peu de choses. J'aurais aimé reprendre des études mais c'est difficile à concilier avec mon emploi du temps, entre mes quarante heures par semaine, le quotidien et l'éducation de mon enfant. La vie a fait que j'ai eu mon fils, j'ai dû arrêter l'université. Depuis, je mets mes ambitions personnelles de côté, l'essentiel est de travailler, d'offrir le meilleur avenir possible à mon fils. » Propos recueillis par L.D. (source l'Humanité)
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