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Mercredi 24 Février 2010:
Les syndicats grecs déclenchent l'alerte rouge Alors que les autorités, mises sous tutelle par Bruxelles, s'apprêtent à soumettre le pays à un super-plan d'austérité, les salariés ripostent aujourd'hui par une grève générale à laquelle ils donnent explicitement une dimension européenne. Athènes, envoyé spécial. Visages étonnés mais sourire aux lèvres, alignés derrière leur bureau, les employés d'Eurobank auront finalement été informés de la grève générale décidée par la GSEE, la Confédération générale des travailleurs grecs. Devant le département logistique de la banque, à Tavros, un ancien quartier industriel en banlieue d'Athènes reconverti dans les services, il aura fallu près d'une demi-heure de négociation avec la direction pour que, conformément au droit, les syndicalistes puissent, pénétrer dans l'entreprise, afin de donner leurs arguments en faveur de la mobilisation d'aujourd'hui. Dans ce pays berceau de la démocratie, la direction a suivi à la trace les quatre « délégués ». Malgré tout, les syndicalistes repartent, sourire aux lèvres, eux aussi. « C'est important : pour la première fois, nous rentrons dans ce lieu où la vie syndicale semble exclue », affirme Dimitris Strtoulis, responsable syndical à la GSEE, qui a mené ardemment les négociations avec la direction. Plan d'austérité en vue L'action a permis de sensibiliser les salariés, dont 98 % sont des femmes, précaires, qui ignorent souvent leurs droits. Avec la crise, les remises en cause des acquis se multiplient et les syndicalistes entendent exercer pleinement leur droit d'alerte. Et à la sortie le message est passé. Il est tout simple : « résistez ! » Le gouvernement grec, mis, de fait, sous tutelle européenne, s'apprête à faire passer un super-plan d'austérité répondant aux dogmes du pacte de stabilité ; coupes des dépenses publiques, baisse des salaires dans la fonction publique, des retraites et allongement de la durée de cotisation, réduction des dépenses sociales sont au programme pour réduire de 4 points de PIB le déficit public qui s'élevait à 12,7 % en 2009. Est-ce ce dont la Grèce a besoin ? Non, s'insurge Pascal Bogadis, le délégué syndical de la chocolaterie Pavlidis, qui tracte devant l'usine. Malgré les bénéfices affichés par cette filiale de la multinationale Kraft Food. La précarité et la compression des salaires sont de mise pour les 200 salariés. « Aujourd'hui, les jeunes sont embauchés à environ 850 euros par mois souvent à temps partiel et en CDD ; ceux qui sont là depuis plus de quinze ans gagnent à peine plus de 1300 euros à temps plein », explique-t-il. Tous dans la rue Dimitris, chauffeur de taxi, est en colère, lui aussi, « parce que rien ne change, alors que j'ai voté pour le changement aux élections d'octobre 2009 ». Mais il hésite à couper son moteur, pour participer à la grève générale : « On ne peut rien faire ! Il faut bien qu'on réduise notre dette. Et tous les médias, Bruxelles, nos partenaires nous demandent de faire », soupire le jeune homme, fataliste, qui se dit « avoir confiance dans le Pasok, malgré tout ». À peine plus de cent jours après son arrivée au pouvoir, le premier ministre reste encore populaire. Le mouvement en sera-t-il pour autant « freiné » ? « Il faut manifester des maintenant, analyse Eleni Plessia, directrice du département d'anesthésie à l'hôpital Evagelismos. Mais je pense que, quand les réductions de salaire apparaîtront sur nos fiches de paie, cet automne, la tension va encore monter. » Le médecin, qui voit au quotidien débarquer les plus pauvres aux urgences, dénonce l'enfoncement de son pays dans le « précariat », le chômage massif et les inégalités sociales. Avec son service, ils seront déjà tous là dans les rues d'Athènes... Fabien Perrier (source l'Humanité) « Il faut s'allier contre l'austérité » Apostolos Dedoussopoulos est professeur d'économie à l'université Panteion d'Athènes. Athènes envoyé spécial. Bruxelles a décidé de mettre la Grèce sous tutelle. Quelle est votre réaction ? Apostolos Dedoussopoulos. Les impacts du plan d'austérité seront négatifs sur la Grèce, encore en récession. Le gouvernement a annoncé qu'il réduirait les salaires des fonctionnaires. Du coup, dans le secteur privé aussi, les salaires seront contenus. Ici, aujourd'hui, les rémunérations réelles sont pourtant à leur niveau de 1981 ! ensuite, le tissu productif grec est très faible, orienté vers la demande intérieure. Et comme cette demande sera réduite par l'austérité, nous allons connaître un surcroît de contraction de l'économie, avec pour conséquence encore plus de précarité et de chômage. Enfin, nous aurons moins de rentrées fiscales. Nous ne pourrons donc pas réduire la dette. Nous sommes dans un piège. Apostolos Dedoussopoulos. À l'échelle nationale, nous devons réorienter nos dépense publiques vers les catégories de population et les secteurs (santé, Sécurité sociale...) qui en ont besoin. Dans l'Union européenne, il faut changer les règles. L'Allemagne, qui veille sur l'équilibre budgétaire, joue un rôle négatif. Mais j'ai un peu d'espoir car les syndicats allemands y sont opposés et demandent aux salariés européens de s'unir. Nous devons fédérer des alliances. Les partis de gauche, les syndicats, les salariés doivent s'allier pour refonder les politiques européennes. Entretien réalisé par F. P. (source l'Humanité)
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