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Samedi 4 Septembre 2010:
Éditorial Assez ! Par Maurice Ulrich On pourrait se demander, en adoptant, comme on dit, le point de vue de Sirius, ce que Nicolas Sarkozy laissera dans les livres d'histoire. Le bouclier fiscal, la collusion du pouvoir avec les milieux d'argent et le CAC 40, ou cela, que l'on croyait à jamais banni de la République depuis les années parmi les plus sombres de l'histoire nationale : la xénophobie d'État ? L'utilisation ignoble et cynique d'hommes, de femmes et d'enfants parmi les plus misérables à des fins politiciennes. Le chef de l'État et son ministre de l'Intérieur ont voulu faire des Roms – sans aucune justification qui tienne – la grande affaire de l'été, comme s'ils étaient responsables, on ne sait comment, des maux de la France. Sans doute voulaient-ils détourner l'attention de leur politique, de ses résultats, de la réforme des retraites. C'est raté. Les deux journées seront différentes, les manifestants seront parfois les mêmes et d'autres fois non, mais le pouvoir va récolter le 4 septembre et le 7 septembre. L'histoire encore pourrait retenir que cette opération, qui suscite à la fois le dégoût et la colère, a vu monter en première ligne, sonnant les charges du déshonneur contre de pauvres campements de planches et de toiles, un ministre de l'Intérieur condamné pour ses propos racistes quand bien même il a fait appel. Qu'il reste à son poste est un défi à la République, comme l'ont été les propos de Nicolas Sarkozy liant l'immigration et délinquance, comme l'est son insistance à vouloir créer devant la loi deux catégories de citoyens et de justiciables, ceux d'origine étrangère et les autres. La loi est la même pour tous, sinon elle n'est pas la loi. Mais nous n'en sommes pas au livre d'histoire. En France, actuellement, c'est le pouvoir lui-même, c'est le président de la République, avec le soutien de ses ministres les plus zélés, qui tente de s'affranchir de l'esprit et de la lettre même de la Constitution et de la Déclaration des droits de l'homme ! L'ONU, d'autres instances internationales, d'autres pays dont la Roumanie s'en inquiètent. Plus de cinquante organisations, celles qui appellent aux manifestations de demain, ont lancé, dans la torpeur du mois d'août, une pétition qui a recueilli déjà plus de 50 000 signatures. Des cortèges sont annoncés dans 133 villes. L'Église et ce pape même qui ne brille pas par ses idées de progrès ont élevé la voix et redoutent ce qui se passe, aujourd'hui, dans notre pays. Il ne nous appartient pas de juger des valeurs chrétiennes mais nous le savons : elles ne s'accommodent pas de la persécution de l'errant, du proscrit. Jésus n'est pas né à Neuilly avec une cuillère d'argent dans la bouche mais dans une étable. Des chrétiens, y compris parmi les plus traditionalistes, des hommes et des femmes de droite s'élèvent aussi contre cette politique. Comme en d'autres temps, ce qui prime c'est le rassemblement de toutes celles et de tous ceux qui n'acceptent pas de voir la France s'allie par la xénophobie d'État. C'est le rassemblement de celles et de ceux qui exigent que cesse la persécution d'hommes et de femmes, pour ce simple fait, oui, ce simple fait qu'ils sont des Roms. Il ne s'agit pas, demain, de remporter contre le pouvoir une victoire politicienne que l'on mettrait au compte du mouvement social, de tel ou tel, que la gauche. Il s'agit de faire face, avec force, dans un partage national de la dignité, à ce que Patrick Chamoiseau a nommé ces jours derniers « ces très vieilles ombres », qui sont de retour, qui agissent. (source l'Humanité)
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