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Mardi 7 Septembre 2010:

Entretien

Annick Coupé. « Il faut vite un nouveau rendez-vous interprofessionnel »

Pour la porte-parole de l'union syndicale Solidaires, la réforme sur les retraites est rejetée dans l'opinion publique, il serait raisonnable que le gouvernement accepte de tout remettre sur la table des négociations.

À la veille de la journée d'action, comment qualifier la rentrée ?

Annick Coupé. Ce qui est remarquable, c'est que la rentrée sociale correspond quasiment avec la rentrée scolaire. D'habitude, quand on parle de rentrée sociale, on pense fin septembre ou début octobre. Il n'y a pas eu de trêve estivale. La mobilisation du 24 juin a été très importante, alors que c'était la dernière limite avant les vacances. Durant les congés, la bataille sur les retraites a continué. Le débat autour de l'affaire Woerth-Bettencourt a fait la une. Enfin, nous avons eu droit à l'offensive sécuritaire de Nicolas Sarkozy... Les congés n'ont pas été une période atone.

 

Est-ce que le débat sur la sécurité n'a pas effacé le social ?

Annick Coupé. C'était de toute évidence le calcul du président de la République. Je ne suis pas certaine qu'il y ait réussi. Je pense que les gens se rendent compte qu'il s'agit d'une manœuvre pour se sortir des affaires et du mécontentement. Les questions sociales prennent le dessus dans les préoccupations des citoyens, des salariés. Le dossier des retraites est central parce qu'il touche aux questions d'emploi, de salaires, de partage des richesses... Chacun a compris qu'il travaillerait plus longtemps pour gagner moins. Au-delà, ce dossier pose des questions de fond sur la société dans laquelle nous voulons vivre. À quoi les gains de productivité doivent-ils être affectés ? Quelle place pour la solidarité ?

 

Vous réclamez le retrait pur et simple du projet. Il n'y a pas d'amendements possibles ?

Annick Coupé. Si le projet passe, les retraités auront des pensions plus faibles, en particulier les femmes. Ce sera une régression sociale lourde. Cela ne signifie pas que nous défendons le statut quo. Les réformes de 1993 et 2003 ont dégradé la situation des retraités et augmenter les inégalités. Nous avons des propositions pour à la fois garantir le système de retraites par répartition et revenir aux 37,5 annuités, aux 10 meilleures années pour les salariés du privé. Pour financer cela, nous sommes pour le relèvement des cotisations patronales et la mise à contribution de revenus qui ne le sont pas aujourd'hui. Il faut pour cela toucher aux profits. C'est ce débat, aujourd'hui tabou pour le gouvernement, qu'il faut imposer.

 

Peut-on obtenir ce retrait du projet ?

Annick Coupé. Personne n'aurait parié, lors des premières manifestations contre le CPE en 2006, sur un retrait de ce projet. L'enjeu des retraites est plus important ; Sarkozy a dit que c'était le « marqueur de son

quinquennat ». Mais aucune organisation syndicale n'est favorable au projet, il est rejeté dans l'opinion, il serait raisonnable que le gouvernement accepte de tout remettre sur la table.

 

Est-ce que cela dépend seulement de la mobilisation des salariés ? N'y a-t-il pas aussi un contexte politique difficile pour le gouvernement ?

Annick Coupé. Les choses sont liées. Nous sommes dans une situation de crise politico-sociale. La diversion sur le terrain sécuritaire a provoqué des réactions auxquelles Nicolas Sarkozy ne s'attendait sans doute pas. Les affaires affaiblissent le gouvernement et Éric Woerth en particulier : elles nourrissent le sentiment d'injustice.

Mais c'est difficile de réussir une mobilisation le 7 septembre.

Annick Coupé. Déjà on le disait pour le 24 juin, la proximité des congés devait handicaper la mobilisation. La réussite du 24 juin a permis à l'intersyndicale de prendre ses responsabilités et elle a décidé dès le 29 juin de la journée du 7 septembre. Le rendez-vous est connu. Le gouvernement a fixé un calendrier très court pour éviter la mobilisation et le débat citoyen sur ce dossier : nous ne pouvons nous laisser piéger par ce calendrier !

Si, mardi, la mobilisation est forte et que le gouvernement reste sourd, que ferez-vous ? L'intersyndicale a rendez-vous le 8 septembre.

Annick Coupé. Il faudra un nouveau rendez-vous interprofessionnel très vite. Solidaires pense qu'il faut construire un mouvement de grève reconductible, général, mais ça ne se décide pas en appuyant sur un bouton. Il faudra un nouveau rendez-vous dès la semaine suivant le 7 septembre. On pourrait envisager aussi de grandes manifestations citoyennes car c'est un enjeu de société. L'essentiel pour Solidaires, au lendemain du 7 septembre, sera de maintenir la pression la plus forte possible. Ce gouvernement ne comprend que le rapport de forces.

(source l'Humanité)

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