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Dimanche 21 Février 2010:
Chronique L'âge de la retraite, le cheminot et la Cour des Comptes Par jean-Christophe Le Duigou (1) Le « rendez-vous 2010 des retraites » a été officiellement lancé lundi 15 février par le président de la République. Nicolas Sarkozy a voulu donner, une nouvelle fois, l'impression que « toutes les pistes demeuraient ouvertes » quant aux réponses à apporter aux problèmes de financement des retraites. Dans les faits, les principales mesures qui seront rendues publiques après les élections régionales ont déjà été élaborées. Elles tournent autour de deux orientations : la poursuite, au-delà de 2012 et 2020, de l'allongement de la durée de cotisation exigée pour toucher une retraite à taux plein : le recul de l'âge ouvrant droit à la liquidation de sa retraite. Avec ces deux orientations, non seulement le seuil de 60 ans, auquel sont attachés les Français, serait remis en cause, mais aussi celui de 65 ans si important pour les salariés, essentiellement les femmes, qui ont eu des carrières incomplètes. Remarquons d'abord la concomitance des décisions dans les principaux pays européens. L'Autriche et l'Allemagne ont pris l'initiative du mouvement, suivies par l'Italie, puis par les Pays-Bas. L'Espagne et la Grèce viennent, en pleine crise financière, de s'inscrire dans le processus. De là à penser que la mise en question des systèmes de retraites est une exigence des marchés financiers... Il n'y aura bien sûr que les éternels adeptes de la critique sociale à soutenir une thèse aussi osée ! Le recul de l'âge de départ à la retraite est la mesure dominante en Europe. Elle devient l'alpha et l'oméga des réformes. Les responsables semblent oublier que les deux principaux problèmes en matière de retraite sont d'abord celui de l'éviction des salariés hors de l'emploi bien avant 60 ans et ensuite celui de l'état de santé des actifs après 50 ans. Parler de l'équilibre des régimes de retraite sans traiter de la question de l'emploi et du travail est un non-sens. C'est, d'une certaine manière, ce que vient de rappeler la Cour des comptes dans son rapport 2010. Les magistrats de la rue Cambon se sont longuement penchés sur la réforme des retraites des personnels de la SNCF. Ils ont notamment cherché à évaluer les conséquences du recul de l'âge de départ à la retraite résultant de la réforme de 2008 dans cette entreprise. Rappelons-nous : on avait promis aux Français des économies pharamineuses. Un candidat à la présidentielle de 2007 avait même parlé d'une économie de 5 milliards d'euros grâce à la réforme des régimes spéciaux. Cela devait même résoudre une bonne fois pour toutes le problème de financement des retraites ! Le résultat est là, bien différent, car nombre de cheminots en fin de carrière ont poursuivi leur activité. Au lieu d'économies, le rapport de la Cour des comptes parle d'un « choc macrofinancier » que doit supporter la SNCF, le régime de retraite et, à terme, l'État. Il souligne « l'accroissement important des charges qui pèsent sur l'entreprise ». L'impact annuel de la réforme du régime de retraite d'ici 2030 sur les comptes de la SNCF est estimé à 380 millions d'euros de dépenses supplémentaires. Le rapport met en exergue les effets directs de la prolongation de l'activité des cheminots : il a bien fallu allonger les carrières des agents qui sont restés en poste alors qu'ils auraient, sans cela, été remplacés par des jeunes aux salaires plus bas. Cela a majoré le glissement vieillesse technicité (CVT), la rémunération moyenne par agent en activité : donc la masse salariale. Mais l'analyse ne s'arrête pas là. L'augmentation de l'ancienneté a en second lieu un effet mécanique sur les droits à pension qu'elle majore. Le gouvernement, dans sa propagande en 2007, avait oublié de préciser que le départ à la retraite anticipé des cheminots avait pour contrepartie des niveaux de retraite plus faibles dus à des carrières incomplètes. Il avait aussi omis de préciser que le versement de la subvention d'équilibre au régime des cheminots était pour une large part justifié par la diminution régulière et importants des effectifs actifs. Au total, après la réforme, le besoin de financement du régime se creuse et l'État va devoir compenser la différence. La conclusion que l'on peut tirer pour le débat qui s'ouvre est limpide. Le recul de l'âge de la retraite est loin d'être la solution financière miracle pour l'équilibre de nos régimes. À moins, évidemment, qu'elle s'accompagne d'une baisse du niveau des retraites. Mais alors il faut le dire ! (1) Économiste et syndicaliste.
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